Tel un automate, je faisais les finalisations du chapeau qui était entre mes mains. Mes pensées, elles, se trouvaient déjà bien loin de mon activité actuelle. Elles remuées certains souvenirs, joyeux, incertains, incontrôlables. Une douleur soudaine me ramena à la réalité et je soupirais en constatant que je venais de me piquer avec l'aiguille que je tenais. Faisant abstraction de la douleur continue, j'observais mon œuvre finit avec un air satisfait. J'allais donc le poser en vitrine tout en fermant la boutique. Il était tard et je me doutais que je n'aurais plus un seul client désormais. Attrapant mon manteau, je l'enfilais et jouais avec mon chapeau, le faisant tourner entre mes doigts avant de le poser sur ma tête d'un mouvement souple et habitué.

Je refermais la boutique derrière moi, laissant tomber les clefs dans une de mes poches avant de me mettre à marcher. Je n'avais pas envie de rentrer, faire autre chose serait plus bénéfique pour moi. J'observais silencieusement le sac que je portais sur une épaule et finit par détourner le regard en changeant de direction.

Sortant une de mes mains de mes poches, je poussais le portail d'un parc. Le métal gelé et ma peau chaude entrèrent en contact, me faisant frissonner. Le portail ouvert et refermé, je glissais de nouveau ma main dans ma poche et reprit ma marche, cherchant un endroit peu fréquenter pour ne pas croiser quelqu'un. Je tournais en rond pendant cinq minutes avant d'apercevoir un endroit entre les buissons. Rapidement je remarquais la présence de quelqu'un et allais faire demi tour pour le laisser tranquille quand des voix excitées se firent entendre. Je vis un groupe composé de trois femmes, deux hommes et plusieurs enfants entrer dans le parc. Un soupir m'échappa et sans plus tergiverser, je m'approchais du plus jeune. Ayant entraperçu son visage, je pouvais dire qu'il était plus jeune que moi, mais sans plus. Je m'approchais du deuxième banc présent dans cet endroit et qui se situait non loin de celui déjà occupé. Néanmoins, une fois assis, je tournais la tête vers l'autre homme.

- J'espère que ma présence ne vous dérange pas. Sinon dites le moi et je vous laisserez.

Généralement quand on va s'isoler ce n'es pas pour être importuné par le premier venu. Mais je pouvais me tromper, alors je patientais silencieusement, observant le ciel de manière distraite et rêveuse. Je levais devant mes yeux mes doigts blessés et jouais distraitement à appuyer dessus, empêchant la blessure de cicatriser et laissant le sang couler sans m'en alarmer.

Un rire silencieux me secoua et je me calmais au bout de quelques secondes. J'étais certes surpris par l'accent que je percevais dans la voix de l'homme, mais je n'en étais pas dérangé pour autant, c'était même agréable à entendre, une voix étrangère... Je laissais tomber mon bras et me tournais vers lui, voyant qu'il contemplait un tournesol entre ses doigts. Un léger sourire prit place sur mon visage et je ne fis rien pour le réprimer, après tout, le garçon ne me connaissait pas et personne d'autre ne pouvait le voir. Je levais de nouveaux mon regard vers le ciel.

- Je suis heureux de ne pas... te déranger. Je souris un peu plus, amusé par ma propre hésitation sur le pronom à utiliser. Je ne dirais pas non, pour ma blessure. Il m'arrive d'être maladroit et d'oublier ce genre d'incidents.

Je l'observais du coin de l'oeil. Son accent ne me disait rien sur son origine, mais sa peau blanche me faisais opter pour les pays froids. Je ne cherchais pas plus loin, ce n'est pas comme si on allait se revoir après. C'était une rencontre éphémère qui se finirais quand nous repartirions, n'est ce pas ? Mon regard glissa sur la voute céleste jusqu'aux enfants que l'on pouvait apercevoir plus loin. Je grimaçais discrètement, ils étaient trop bruyants. Mes yeux tombèrent sur les fleurs devant moi et je laissais leurs couleurs m’hypnotiser un court instant, juste le temps d'un court moment.

Clignant des yeux, je revint à la réalité et baissais les yeux vers mes deux mains. L'une était blessée par ma maladresse, l'autre était couvertes de bandages, bandages qui remontaient jusqu'à mon épaule, mais ça, personne n'était censée être au courant. Mon regard dériva vers mon voisin et je me levais, allant m'asseoir à ses côtés pour ne pas qu'il est besoin de se déplacer. J'attrapais mon chapeau et l'enlever, le posant à côté de moi. Ma main vint fourrager dans mes cheveux par automatisme et je décidais qu'une conversation ne nous ferais pas de mal... à moi en tout cas. Mais au moins cela empêcherait un silence pesant de s'installer.

- Merci, vo... tu n'étais pas obligé de me soigner.

Je ne pouvais décidément pas mettre d'âge si je me fiait à son physique. Je penchais la tête sur le côté, affichant un visage plus ou moins neutre mais mes yeux brillaient de curiosité.

- Puis-je être indiscret ? Je me demandais, quel âge tu pouvais bien avoir... Bien sur, tu n'es en rien obligé de me répondre.

Je fus un instant surpris. Dix-sept ans ? Je l'imaginais plus vieux, comme quoi, la vie réserve bien des surprises. Je lui tandis ma main meurtris, la sortant de ma poche où elle était tranquillement au chaud, exposant les blessures qui y étaient présentes. Des coupures plus ou moins profondes, rien de très grave. Pourquoi ? Hmmm... pourquoi cette question... Et bien, pour combler le silence, surement, pour avoir un semblant de conversation plutôt que de rester là à ne rien dire et à s'observer dans le blanc des yeux. Je fermais un instant les yeux, ne les rouvrant que lorsque je l'entendit fouiller dans son sac. Lorsque je vis ce qu'il en ressortit, j'eus un moment d'arrêt, un bug si vous voulez, et je dissimulais derrière ma main mon sourire, tentant de réprimer tout rire qui pourrait m'échapper.

- Heu .. je comprends si tu ne n'en veux pas .. c'est que en fait j'ai une petite sœur et .. enfin .. tu vois elle est assez maladroite et .. je ..

Doucement, je tentais d'inspirer et expirer le plus lentement possible, mais quelques gloussements m'échappais par moment et ce n'est qu'au bout de quelques minutes que je parvins à me calmer. Je reportais alors mon attention sur le jeune homme et secouais doucement là tête.

- Ça ne me dérange pas, ce ne sont que des pansements. Et puis, de toutes façons, que je sois un peu plus bizarre ou un peu moins, ce n'est pas important, ce sera surement même moins étranges que de me balader avec des blessures ouvertes.

Je penchais légèrement la tête sur le côté, imaginant la tête des gens en voyant ces pansements et je souris. Ça allait être amusant tiens. Redescendant de nouveau sur terre je le regardais un moment.

- Désolé si je t'ai parus indiscret, disons juste que je voulez combler un peu ce silence. Honnêtement, je t'avais imaginé plus vieux. Enfin... J'ai 27 ans et je m'appelle Yuki. Et toi ?

Si ses parents étaient médiums, peut être ne l'aurait il pas appelé Yuki, qui signifiait neige en japonais et il ne pouvait pas être plus en contradiction avec son physique qu'actuellement. Peau mâte et cheveux noir, ce nom était un paradoxe à lui seul.

Je lui paraissait plus jeune ? Et bien... c'est la première fois que j'entendais ça. Hum. Donc, Aleksey... ok, à retenir, juste pour un moment, juste pour cette soirée, car après, ce serait bien un hasard si on se croisait. Je récupérais ma main qui alla triturer les bandages visible sur mon autre main. Mes pensées dérivèrent sur son affirmation dite un peu plus tôt. C'est sur, des gouttes de sang qui suivent un chemin... ce serait une poste assez macabre à suivre, et je n'avais pas envie de voir débarquer chez moi des chien de police qui auraient suivis cette piste. Ce serait bien le pire scénario envisageable, mais aussi le plus improbable.

- Tu es de quel origine ? Yuki à une signification particulière ici ? J'espère que c'est pas indiscret.

Sa phrase me sortie de mes drôles de pensées et je lui reportais mon attention. Ce n'était pas très polie ce que je venais de faire, mais bon, le froid n'aidait pas forcément à la concentration.

- Ne t'en fait pas, ce n'est pas plus indiscret que ce que je t'ai demandé tout à l'heure. Pour tes questions... je suis métis. Mon père est japonais et ma mère française. Pour prénom... Je ne pu empêcher un rire ironique de m'échapper. Yuki signifie neige, en japonais. Très ironique par rapport à mon physique si tu veux mon avis.

Je me levais du banc et me déplaçais vers la sortie du coin où nous nous trouvions. Je me retournais et observais le lieu. Paisible, calme et silencieux, l'endroit parfait pour un peu de solitude et de calme loin des bruits de la ville. J'observais Aleksey qui était encore assis sur le banc, pesais le pour et le contre et haussais ensuite les épaules. De toutes façons, je pouvais bien être un peu en retard chez moi, personne ne m'attendais.

- Ne devrais tu pas rentrer chez toi, Aleksey ? Pourquoi ne pas faire un bout de chemin ensemble ?

Je patientais tranquillement, une brise froide me fit frissonner mais je n'en tint pas compte, ça ne me gênait pas plus que ça. J'attendais qu'il se lève et me donne sa réponse. Alors seulement, en fonction de celle ci, je le suivrait ou non.

Je levais un sourcil, amusé. En effet, en plus de paraître plus vieux que son âge réel, il était aussi grand, très grand, plus que moi même; mais bon, je n'étais pas un exemple par ma taille de toute façon. Lorsqu'il fut près de moi, nous commençâmes à marcher et je m'amusais de ce qu'il avait dit plus tôt. J'avais retenu un sourire d'apparaître sur mon visage lorsqu'il avait dit aimer mon nom, si il venait bien d'un pays froid, il ne pouvait que penser qu'il aimait ce qui ce rapportait à celui ci. Nous passions près du lac et je m'arrêtais un moment devant celui ci, observant les poissons nager paresseusement. Je repris la marche au bout de quelques secondes à philosopher tout seul et rattrapait le plus jeune. Je repensais à la question précédemment posé.

- En fait, tu as grandis ici ? En Angleterre ?

Je posais de nouveau mon regard sur le ciel presque noir avant de lui répondre, réfléchissant à ce que je pourrais bien lui dire.

- Oui et non. De ma naissance à mes cinq ans, j'ai vécu au Japon et de mes cinq ans à mes dix ans en France. Mes parents ont tenus à ce que je maîtrise leur langue natal. Ce fut dure mais j'y parvint avec le temps. A mes dix ans j'ai déménagé en Angleterre. Un sourire amusé apparu sur mon visage au moment où j'y repensait. J'étais absolument horrifié d'apprendre que j'allais devoir apprendre une nouvelle langue alors que j'apprenais encore le français et sa conjugaison compliquée.

Me rendant compte que je m'étalais un peu trop sur ma vie, je me tus, tout simplement et laissais tomber mon regard sur la route devant moi. Comme Aleksey avait dit plus tôt ne pas bien connaître le coin, je pris les devants, le guidant une fois sortit du parc. Mon visage n’exprimait qu'une neutralité désespérante (de l'avis de certains proches) en me tournant vers le plus jeune, mais mes yeux exprimaient plus. On se protège comme on peut que voulez vous.

- Par où habites tu ? Et avant que tu n'es l'idée de demander, non ça ne me dérange pas de te raccompagner sur un bout de chemin.

Si j'avais été plus expressif, on aurait pu voir sur mon visage une expression renfrogné et légèrement boudeuse. En effet, j'étais obligé de lever la tête pour regarder Aleksey et cela me contrariait... mais bien sur, je n'avouerais jamais avoir pensé ça, même sous la pire des torture. Attendant sa réponse, je posais une autre question pour passer le temps.

- Qu'est ce qui t'as poussé à venir dans ce parc aussi tard ?

Je respectais le silence qui venait de s'installer. Mes pensées dérivèrent de nouveau et je ne faisais pas particulièrement attention à l'endroit où j'allais. En effet, à force de vivre ici, je connaissais l'endroit suffisamment bien pour ne pas surveiller la moindre rue. Néanmoins, je restais toujours un minimum attentif, on tombait si facilement dans un coupe gorge si on était trop confiant. Un mouvement à la périphérie de mon champ de vision attira mon regard et j'aperçus Aleksey qui me regardait avec une émotion au fond des yeux que je n'arrivais définitivement pas à analyser.

- Chto ?! Tu veux dire que tu sais parler ces trois langues ?! C'est ... incroyable .. mais comment fait-tu ?! C'est tellement dur !

- Oui, c'est dur. Mais que veux tu, mes parents sont des gens assez strict. Et puis, c'est pas comme si je n'aimais pas ça !

En effet, ici ou là bas, j'avais une passion pour tout ce qui était lié aux langues étrangères. J'étais véritablement fasciné par ça et c'est bien la seule chose qui me captivais en cours. Les langues avaient chacune une manière de se prononcer que j'adorais. Je sortis de nouveau de mes pensées à la phrase du plus jeune. Je hochais simplement la tête et tournais à droite. Malgré mon inattention passagère, j'avais remarqué sa réaction quand il s'était tourné vers moi. J'étais quelqu'un dont le visage affichait facilement n'importe quelle émotion, et on me disait donc lunatique, à tord. Enfin, je ne tentais en rien de les dissuader de leur pensée erronées, au moins ne cherchaient-ils pas plus loin.

- Ho .. et bien je suis sorti en retard de cours, et comme je voulais pas rentrer de suite, j'ai pris un autre chemin que je connaissais pas, alors du coup je me suis retrouvé dans ce parc. Et toi ?

Je portais sur lui un regard amusé.

- C'est vrai que la sensation de liberté est toujours appréciée. Pour ma part, comme personne ne m'attend chez moi, je préfère occuper mon temps dehors qu'enfermé à ne rien faire et à regarder le temps passer.

J'observais distraitement le manège d'Aleksey à partir d'ici. Il semblait guetter quelque chose et j'observais de nouveau l'endroit moi aussi. Rien n'attirait particulièrement mon attention, alors je haussais simplement les épaules. Tiens... ça me rappelais qu'il avait parlé d'une petite sœur, avec l'histoire des pansements. Il faudrait que je la rencontre, si innocent et espiègle à cette âge là. C'est toujours amusant de voir comme elles sont actives.

- Dit Yuki, je sais que ça ne me regarde pas mais, pourquoi tes deux mains sont-elles blessées ?

Je m'arrêtais instantanément de marcher. Mon visage se ferma et j'enfermais mes émotions au fin fond de moi même. Je ne pensais pas qu'il me le demanderait, ou plutôt si, mais je me pensais mieux préparé à cela. Ce qui n'était pas le cas semble-t-il. En parler faisait ressurgir des souvenirs que je tentais d'oublier, mais je n'y arriverais surement jamais, on occulte pas une partie de sa vie de cette façon. Mais ce bras, ce bras qui toujours me rappellerait. Lorsque j'y repensait, je pouvais dire sans honte que je me dégoûtait et que au final, j'avais peur, de tous ce que cela signifiait. Ce bras n'était pas fait pour être vu, c'était ma honte, mes blessures.
Combien de temps étais-je au final restais ici à ressasser toutes ces sombres pensées ? Aucunes idées, mais quand je relevais la tête, je vis Aleksey, et ma voix froide et mordante claqua dans l'air.

- Tu as raison, ça ne te regarde pas.

Et je repris la marche, forçant le pas, serrant les dents à m'en éclater l'émail. Non, être en colère contre lui était stupide et inutile, ce n'était pas sa faute, et sa curiosité était compréhensible. Je tentais donc de me calmer, décrispant la mâchoire et apaisant mon esprit, détendant les muscles que je n'avais pas remarquait avoir contracté. Je finis par soupirer et m'arrêter de nouveau. J'avais était méchant et cruel alors qu'il n'avait rien fait... mais je n'aimais pas.

- Écoute, je suis désolé ok ? C'est juste que, je n'aime pas en parler, c'est... douloureux, si je peux le dire comme ça.

Je le regardais un moment puis soupirais de nouveau, me passant une main distraite dans les cheveux. Franchement ? Oui, j'étais désolé, dans ce genre de situation je réagissais toujours de manière à me défendre, n'étant donc pas forcément gentil.

- Et si tu me présentais ta petite sœur ? J'espère qu'elle ne m'en voudra pas de lui avoir piqué quelques pansements.

Je voulais changer de sujet, de manière pas la moins du monde subtile, mais c'était pas grave, je voulais juste ne pas me plomber la soirée avec ça.

- Hm .. pas de problèmes. Alioushka sera ravie de te connaître, elle ne t'en voudra sûrement pas pour ça. C'est plus ma grande sœur où ce sera intéressant je pense.

Je laissais un sourire en coin se dessiner sur mon visage. Les jeunes étaient toujours enthousiastes quand leur aîné ramenait quelqu'un qui leur était inconnu. C'était même amusant dans une certaine mesure de voir leur visage curieux. Je grimaçais légèrement. Il y avait aussi les questions qui ne manqueraient pas d'être posées. Je haussais finalement les épaules. Tant qu'elle me laissait répondre ça devrait bien se passer... Les mains glisser dans mon manteau, je suivais légèrement au retrait le plus jeune; ne sachant pas où il habitait, je le laissais me guider parmi toutes les maisons présentes.

- Quelle genre de réaction pourrait elle avoir ?

Autant en savoir plus sur l'ennemi - oui parce que franchement, vu la manière d'on il l'avait dit on avait l'impression qu'il partait en guerre - avant d'entrer dans la tanière du loup. Peut être était elle surprotectrice, ou alors super méfiante... ou peut être folle aussi tiens... Je me gardait d'exprimer mes pensées à voix haute, n'ayant pas très envie de vexer le russe. Dommage que je n'ai pas appris cette langue... peut être que l'acceptation de l'aînée ce serait mieux passer. Ou pas. Ça dépend. Je m'arrêtais quand je remarquais que le plus grand - en taille hein - s'était stoppé et regardait une maison comme si il allait à l'abattoir. Mince alors. J'avais pas écouter sa réponse à ma question, si bien sur il m'avait répondu.
Je l'observais distraitement s'avancer vers la porte d'entrée et je finis par le suivre après quelques secondes à l'arrêt. Dégageant quelques cheveux de devant mes yeux, je laissais mon regard se perdre sur la bâtisse en faisant attention à ne pas percuter l'ado. Je voyais de la lumière à travers les vitres et percevais une voix féminine. Jeune. Surement sa petite sœur. J'étais pas quelqu'un de forcément sociable et je me braquais facilement si on m'agressait... Je sentais que ces deux rencontres allaient être... mémorable.